Véronique Coppin soutient les victimes des violences de guerre en RD Congo

Le conflit en République démocratique du Congo (RDC) a repris depuis 2021, avec une intensité encore plus grande depuis le début de l’année 2024. Depuis 1998, cette guerre a fait quelque 6 millions de morts.

Cette violence est étroitement liée à l’exploitation des mines de l’est du Congo, qui regorgent de minerais indispensables à la transition écologique des pays occidentaux. Pourtant, cette guerre ne suscite que peu d’intérêt, tant dans les médias que dans la communauté internationale. Avec ce témoignage d’une de nos expertes-volontaires, Véronique Coppin, Médecins Sans Vacances veut faire savoir que nous soutenons à notre manière certaines de ces victimes de guerre.

De nombreuses victimes de guerre sont des femmes victimes d’abus sexuels

Veronique: À Sosame, l’hôpital psychiatrique de Bukavu, au Kivu-RDC Est, on fait un travail remarquable pour accueillir les victimes de violences sexuelles avec des ressources très limitées.

Tous les quinze jours, le coach Francisco Habamungu sensibilise les patients et leur entourage à la complexité des facteurs associés à la violence sexuelle et aux graves conséquences sur la vie des personnes.

Une étude récente de l’American Journal of Public Health a révélé que jusqu’à 1,8 million de femmes congolaises ont été violées au moins une fois dans leur vie. Beaucoup de femmes au Kivu, et donc dans les hôpitaux psychiatriques comme Sosame, se rendent compte qu’il faudra beaucoup de temps pour que la violence cesse et que la paix revienne.

Francisco est le champion de la paix et il lutte contre cette violence. Il tente de motiver les femmes à chercher de l’aide et à ne pas attendre que les complications surviennent. La violence sexuelle est devenue une arme de guerre : les agresseurs utilisent délibérément le viol comme moyen de déconstruction de la société, contribuant au climat d’insécurité et d’impunité. La lutte contre ce phénomène est d’autant plus complexe qu’il est généralisé et ne se limite pas à un groupe spécifique d’individus. L’augmentation des viols est sans doute l’une des conséquences les plus tragiques de l’effondrement de la société traditionnelle. Les crimes sexuels sont plus qu’une simple violence physique, ils détruisent les normes sociales et déshumanisent à la fois les victimes et leur entourage. Une femme violée est souvent reniée par sa communauté et risque de vivre en marge de la société. Cette stigmatisation est très difficile à surmonter. Les raisons pour lesquelles les femmes violées sont rejetées sont nombreuses : honte, déshonneur, culpabilité du partenaire, pression sociale, mesures d’hygiène pour le reste de la famille ou peur de la maladie.

Parler aide

Véronique : En tant qu’experte-volontaire pour Médecins Sans Vacances, j’organise régulièrement des groupes de discussion « questions ouvertes » pour toutes les femmes de Sosame. Aucune question n’est excessive ou inappropriée, l’atmosphère est sûre et intime. Non seulement nous leur donnons des explications médicales et une formation, mais c’est aussi le moment où les femmes échangent leurs expériences et racontent souvent leur histoire à une autre personne pour la première fois. La force du groupe se traduit par une grande solidarité et les rend plus fortes. J’entends souvent dire après coup que ces conversations ont été les meilleurs moments de leur admission. J’admire la résilience de ces femmes et je repousse volontiers mes propres limites pour les soutenir de près.

Traumatisme pour la mère et l'enfant

Les enfants nés après un viol représentent également un facteur de déstabilisation de la société traditionnelle. Tout d'abord, les mères doivent apprendre à vivre avec le souvenir constant de l'agression, ce qui rend inévitablement difficile la construction d'une relation stable avec leur enfant qui est la preuve du viol. Il est également difficile pour ces enfants de trouver leur place dans la communauté. Certains sont nés dans la forêt, n'ont pas d'état civil et ne sont jamais allés à l'école. Appelés "enfants serpents", ils ne sont pas intégrés dans la société et constituent un groupe à part qui représente à son tour un danger pour la société congolaise.

A Sosame, il y a aussi de la place pour ces enfants. C'est souvent par l'intermédiaire de l'hôpital que ces enfants se retrouvent aux urgences. L'équipe multidisciplinaire se met alors immédiatement en action et cherche la mère en question pour la motiver à venir à l'hôpital. Non seulement l'embarras des événements et le rejet de l'enfant sont des facteurs bloquants, mais le coût élevé de l'hospitalisation fait qu'il est extrêmement difficile de convaincre la maman. Il s'agit d'un très gros problème qui n'a pas de solution toute faite.

Les soins multidisciplinaires augmentent les chances de guérison

Véronique : Lorsque la salle d’urgence a été construite à Sosame il y a trois ans, les femmes violées et rejetées par la société se sont souvent présentées dans un état très confus et dégradant. Elles sont accueillies et soignées 24/7 dans cette salle, où elles bénéficient d’une écoute active.

L’équipe leur fournit des informations sur les réactions normales après un événement choquant et leur apprend à y faire face. Le médecin et son équipe pluridisciplinaire ont montré que les victimes de violences sexuelles qui bénéficient d’une prise en charge pluridisciplinaire ont de meilleures chances de guérison, se rétablissent plus rapidement et sont moins susceptibles de subir d’autres violences.

L’OMS recommande que toutes les victimes reçoivent ce type de soins le plus tôt possible après l’agression, car elles sont beaucoup plus susceptibles de souffrir de dépression et de stress post-traumatique. Des études ont montré le lien entre le viol de filles et de femmes et les graves troubles du sommeil, plaintes somatiques, consommation excessive d’alcool, tabagisme et problèmes de comportement tels que l’agressivité envers soi-même et envers les autres, des comportements répétés de provocation du danger et, parfois, le suicide.

Le rôle de l’équipe de soins d’urgence est donc très important : notre tâche consiste à reconnaître les signes indiquant qu’une femme est victime de violences sexuelles. Ce n’est qu’ensuite que nous pouvons traiter correctement les symptômes de stress post-traumatique dont souffrent les victimes. Les conséquences des violences sexuelles sont souvent mal connus et rarement diagnostiqués avant que ces femmes n’arrivent à Sosame. Il est donc essentiel d’accueillir ces femmes avec bienveillance, de les écouter et de les croire. Ensuite, il faut assurer la continuité des soins.

Du contact et des messages que je reçois souvent ici en Belgique, je puise de l’énergie pour continuer ce beau mais dur travail pour Médecins Sans Vacances. Lisez-le vous-même… (J’ai rendu une partie du texte illisible pour des raisons de confidentialité).

#TogetherWeCare4HealthCare

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