A la rencontre de deux expertes-volontaires en mission dans le Sud-Kivu

Octobre 2022 dans un contexte compliqué et délicat, deux expert.es-volontaires se rendent dans le Sud-Kivu pour une mission de renforcement des capacités du personnel médical et paramédical du service des urgences et soins intensifs sous forme de formation ‘on the job’.

 

 

Nous avons rencontré Nele Vangheluwe et Laurence Borguet lors de cette mission à l’hôpital de référence Saint Martin de Nyangezi. Un hôpital de zone situé à 25 kms de Bukavu dans une région rurale rythmée par l’agriculture. La population y est vulnérable avec peu de revenu et des conditions de vie insuffisante. L’accès par les pistes de terre y est difficile, la sécurité instable. Malgré tout, nous croisons des sourires et une certaine fierté sur les visages des communautés.

L’objectif de la mission

Les objectifs sont donnés par Médecins Sans Vacances dans le cadre d’un trajet de renforcement des capacités pour 3 ans. Ici c’est la première mission aux urgences et soins intensifs pour l’hôpital de référence Saint Martin de Nyangezi.
L’hôpital qui est notre partenaire a voulu améliorer ce service. Pour atteindre ce programme, l’hôpital avec Médecins Sans Vacances ont fixé des objectifs mission par mission ce qui permet d’ajuster selon le contexte et l’évolution au fur et à mesure.
Pour Nele Et Laurence, le but de leur mission est de renforcer les compétences du personnel soignant mais aussi de renforcer les capacités pour exercer des soins de qualité auprès d’une population vulnérable.

Nele : Pour cette première mission Laurence et moi, nous évaluons les soins intensifs comme cela nous avons un cadre de départ. En même temps, nous mettons des petites choses en place pour améliorer le fonctionnement du service. Par exemple, nous avons réorganisé l’armoire des médicaments pour que tout soit bien visible, facile à prendre.

D’ailleurs Nele nous raconte une anecdote avec beaucoup d’émotions : « On a installé les boîtes des médicaments par urgence. J’ai écrit le nom et le contenu des médicaments sur la face avant des boites. Et puis, l’infirmier Jean-Marie a amélioré le système en découpant le nom écrit sur les boites et il les a mis sur le couvercle au-dessus, ce qui est encore plus pratique ! C’est génial, il s’approprie le système et il l’améliore encore. Ça m’a vraiment émue car avec des petits gestes, il améliore encore les choses. ».

On a aussi amélioré l’hygiène par exemple avec des revêtements sur les tables pour nettoyer plus facilement. On a installé un système de clipboard au lit du patient avec la fiche de suivi.
Ce sont des actions simples mais elles font toute la différence dans l’organisation du quotidien.

Comment se passe la formation ‘on the job’ ?

C’est une demande de l’hôpital pour répondre à leurs besoins. Nous participons avec l’équipe à la vie quotidienne des urgences et soins intensifs. Nous formons une réelle équipe.
Les formations se font selon ce qui se passe aux urgences avec les patients qui y sont.
Cela nous a permis de commencer avec la formation du système ABCDE qui est une méthode universelle qui sert à décrire la procédure d’intervention pour quand un patient arrive aux urgences dans un mauvais état. Cela sert à traiter le malade pour vraiment à sauver une vie !
Après on a introduit un système de score pour évaluer une détérioration précoce pour prévenir un arrêt cardiaque.
Et l’équipe est très contente de la formation sur électrocardiogramme (ECG) car ici ils ont un nouvel appareil. Cela leur facilite les choses ! Puis on va finir avec une formation sur la réanimation cardio-pulmonaire avancée.

 

Nele : La formation se fait selon le patient qui va entrer. Nous intervenons ensemble. Le staff apprend en même temps. C’est ce qu’on appelle la formation ‘on the job.

On a malheureusement eu un cas de réanimation. Du coup, nous avons fait la réanimation ensemble. L’équipe a pu voir en pratique comment cela doit se passer comme il faut. Ils nous ont dit qu’ils ont du coup énormément appris de ce secours car ils l’ont fait d’une autre façon.

Travailler avec des protocoles

Le service avait déjà des protocoles pour les appareils aux murs du service et le staff suit bien les procédures. Ce sont des protocoles techniques qu’ils ont reçus lors des formations Jenga Maarifa.

De notre côté, nous avons revu cela mais sur un point de vue médical et pratique avec des patients. Par exemple, combien de litres d’oxygène faut-il donner par rapport au saturomètre. On prend en compte le matériel existant par rapport au contexte. S’il manque des appareils qui sont nécessaires, on fait une liste que l’on soumet pour la suite du trajet.

 

Comment vivez-vous la collaboration avec vos collègues africains ?

Laurence : On est devenu une réelle équipe, on travaille vraiment ensemble. Pas que sur les gestes, c’est aussi dans la relation humaine. C’est enrichissant parce qu’on est dans le partage d’égal à égal. On apprend l’un de l’autre.

Au début, j’assistais en retrait aux réunions de staff des infirmiers. Comme cela je pouvais observer leur fonctionnement. Ils présentent un cas et ils en discutent pour avoir la meilleure approche. J’ai posé pas mal de questions car il y a des choses que je ne connaissais pas et ils m’ont appris de nouvelles techniques. C’est un échange dans les deux sens !

L’ambiance est chargée d’émotions, la fatigue se ressent, les conditions de vie sont spartiates et pourtant nos deux collègues sont investies à donner le meilleur d’elles-mêmes, de transmettre leurs compétences. Clairement la mission est intense, on prend une minute pour demander à Laurence comment elle se sent. Malgré tout, elle nous répond spontanément :

Comment ne peut-on pas être heureux ici ! Partager, collaborer, c’est super enrichissant !

Et avec les patients ?

Dans cette région, les malades sont vraiment pauvres et ils n’ont pas appris le français à l’école. Il y a une barrière de langue ce qui nous empêche de communiquer directement avec les patients. Du coup, nos collègues transmettent ce que l’on dit avec nos intentions. Dès le départ, nous avons parlé de ‘nos patients’ et non pas de ‘vos patients’. On est ensemble, égal à égal et le patient ressent cela aussi. Il y a évidemment le fait que l’on contribue à donner des soins de qualité mais l’aspect relationnel apporte de la confiance au patient. L’impact est médical et émotionnel.

Laurence : Ce matin, Dr Moïse et moi parlions de l’évolution de nos patients. On a construit une relation d’égal mais clairement c’est le patient qui au centre de ce que l’on construit.

Garder le contact avec WhatsApp

Nele a fait un trajet similaire avec le Dr Olivier au service des urgences de l’hôpital de Nyantende qui se situe à quelques kilomètres de là. Un trajet où elle a établi une relation continue avec le staff. Depuis 4 ans il y a un groupe WhatsApp dans lequel ils continuent à échanger et particulièrement pendant la pandémie de covid. Le Dr Olivier est maintenant directeur de l’hôpital de Nyangezi, elle retrouve son collègue-ami. Nele et Laurence sont convaincues qu’après cette mission, ils feront aussi un groupe WhatsApp et qu’elles continueront à communiquer, à partager et prendre des nouvelles.

Nele : Garder contact c’est plus que professionnel, c’est aussi personnel. On échange sur des questions médicales, des questions pratiques mais l’expérience fait qu’on se lie aussi d’amitié et on échange sur nos vies .

Le bilan

En seulement 15 jours de mission, on a vu une réelle évolution dans la mise en pratique de ce que le staff a appris. Ils sont tellement engagés même parfois après une nuit, ils continuent à en vouloir, à rester attentif, à vouloir apprendre. Ils ne baissent jamais les bras !

Nele : Ce qui me frappe c’est qu’ils doivent toujours se battre. Dans toutes les circonstances, ils doivent se battre – à l’hôpital pour donner les meilleurs soins possibles, à la maison pour survivre… Et pourtant ils ont tellement de compassion et de solidarité l’un vers l’autre.

Nous sommes convaincus qu’ils vont continuer à travailler sur les choses que nous avons installées ensemble parce qu’ils veulent un monde meilleur et surtout de meilleurs soins de santé ! Ce n’est que le début de ce trajet.

Avec l’appui de la Coopération belge (DGD)

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Récit : Alexandra Guillot, responsable communication pour Médecins Sans Vacances

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