Action et inspiration
“ Pendant ce temps, j’étais restée à la maison avec nos trois enfants mais je me sentais tout aussi motivée pour jouer moi-même un rôle actif dans cette histoire. Lorsque, à leur retour, j’ai entendu leurs expériences, mon enthousiasme a pris le dessus. J’ai alors commencé à appeler des hôpitaux, à contacter du personnel médical afin de mobiliser plus de médecins et du personnel infirmier, je leur ai demandé s’ils pouvaient nous faire don de certains équipements médicaux et je me suis également adressée à des entreprises pour demander de l’aide sous forme de dons. J’ai constitué des équipes médicales, rédigé des directives, je me suis occupée des visas, de leur trouver des logements en RD Congo, etc….
Entretemps, les pères Scheutistes en RD Congo nous adressaient des demandes pour des missions dans les hôpitaux de brousse et les hôpitaux de référence dans la région de Kasaï et plus tard dans le pays entier. Les besoins étaient immenses. De nouvelles missions partaient au Congo, pendant que moi, je restais en Belgique pour assurer la coordination. Pendant la journée, je passais beaucoup de temps au téléphone avec des entreprises et des hôpitaux et le soir, assise devant ma machine à écrire, je tapais des lettres et des demandes. Les portables et l’internet n’existaient pas encore et nous n’avions pas de bureau à l’époque. Je m’occupais de l’organisation à partir de la maison, tout en prenant soin de nos trois enfants.
Première expérience africaine
“En 1984, je partis pour la première fois en mission à Lukalaba, Cilenge et Kabinda en RD Congo. Ce fût ma toute première expérience africaine. J’ai eu immédiatement le coup de foudre. J’aidais autant que je pouvais à visiter des salles de patients, à mettre des pansements, à présenter les instruments médicaux, à réconforter les enfants opérés, à rassurer les mères, etc. Une fois de retour en Belgique, je me suis sentie encore plus motivée à organiser toutes sortes de choses pour les prochaines missions. J’ai même écrit à l’armée belge. Plus d’une fois, je me suis rendue à leur dépôt de Louvain pour examiner et négocier le matériel que nous pourrions utiliser pour nos hôpitaux partenaires en Afrique ».
Engagement
“Grâce aux bons contacts avec les pères Scheutistes, le nom de Médecins Sans Vacances circulait en RD Congo, ce qui nous a valu de plus en plus de demandes des hôpitaux locaux. L’organisation est progressivement devenue un travail à plein temps et je travaillais même le dimanche pour organiser tous les envois, le matériel, les dons et les demandes. Un briefing et un débriefing étaient organisés pour chaque équipe, des protocoles étaient élaborés et j’étais en contact étroit avec les ambassades. Heureusement, nous avons progressivement reçu le soutien de volontaires très motivés en Belgique, qui ont contribué au succès de Médecins Sans Vacances.
Par deux fois, je suis allée seule en RD Congo pour une mission de prospection. Quels sont les besoins des hôpitaux sur le plan médical ? De quel matériel ont-ils surtout besoin ? Quelles techniques chirurgicales veulent-ils apprendre ? De quelle façon pouvons-nous aider ? Dès le départ nous avons travaillé sur base de demandes émanant des hôpitaux. Jamais nous ne nous sommes imposés. Cette approche est toujours restée et est, à mon avis, un magnifique point de départ.”
Enormes expériences
« Le génocide au Rwanda, en 1994, a frappé fort. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour rapatrier notre équipe le plus rapidement possible grâce à nos contacts avec la Croix-Rouge, l’ambassade et les Sœurs de Bergame. Les mots manquent pour décrire les atrocités qui se sont passées là-bas . Nos volontaires, les enfants opérés et le personnel ont pu quitter Rilima à bord d’un camion, à temps pour être évacués en avion vers la Belgique et Bergame en Italie.”
La reconnaissance de Médecins Sans Vacances comme ONG en 1996, a été une énorme récompense. Pour tous les médecins, les infirmières et le personnel médical qui avaient travaillé bénévolement pendant des années, mais aussi pour moi-même. Pour toutes ces années de travail acharné pour assurer l’organisation matérielle et financière des missions. J’en suis toujours fière et reconnaissante.
‘Mamas for Africa’
Fin des années ‘90, suite à diverses circonstances, je ressentis l’énorme besoin de mettre sur pied mon propre projet. Lors de mes voyages en Afrique, c’étaient toujours les contacts avec des femmes et leurs récits qui me touchaient au plus profond de mon âme. Leur résilience, leur persévérance et leur gratitude sont énormes.
Le respect des droits des femmes a toujours été un thème important pour moi. En raison des violences à l’est du Congo, j’ai voulu m’engager surtout pour les femmes et les jeunes filles, victimes de viol. C’est ainsi que ‘Mamas for Africa’ a vu le jour. Mamas for Africa offre surtout un accès aux soins médicaux post-viol et un soutien psychologique aux victimes de violences sexistes. La communication et la collecte de fonds se font depuis la Belgique, mais le reste de notre équipe est africaine. Nous travaillons avec des infirmières, des psychologues et des médecins locaux, comme le Dr Mukwege et son équipe de l’hôpital de Panzi. Cette responsabilisation locale est très importante pour moi.
Souhaits
“J’ai toujours été une femme entreprenante avec un engagement actif. Que ce soit pour Médecins Sans Vacances ou pour Mamas for Africa, j’ai toujours fait mon travail avec beaucoup d’enthousiasme. Après ces 40 ans, je souhaite un bel avenir à Médecins Sans Vacances.
Texte : Veerle Symoens