SOSAME : Il n’y a pas de santé sans santé mentale!

En visite à SOSAME (= Soins de Santé Mentale) à Bukavu, nous faisons le tour de ce centre pour mieux comprendre le contexte et comment les patients reprennent le fil de la vie.

Le centre situé sur les hauteurs de Bukavu est l’une des seules structures psychiatriques de la province du Sud-Kivu. Une fois les portes poussées, il y a une certaine harmonie et douceur qui plane dans ce centre qui rencontrent de nombreuses personnes de plus en plus confrontées aux problèmes de santé mentale. Cette région est marquée par les nombreux conflits violents de ces dernières années et encore ceux d’aujourd’hui. Avec des facteurs favorisants tels que les troubles psychotiques et neurologiques, la dépression nerveuse, les situations traumatiques récurrentes dans un contexte de pauvreté, de politique complexe, de guerre et de post-conflit. Le centre offre des consultations mais aussi des hospitalisations à court et long terme.

Le Révérend Frère Janvier BATUMIKE, directeur de SOSAME nous fait la visite guidée avec son équipe pluridisciplinaire. C’est une visite en immersion qui nous est réservée en commençant par les admissions. L’équipe nous guide selon leurs compétences. C’est ensemble qu’ils coordonnent la structure. En guise d’introduction le directeur donne le ton :

Il n’y a pas de santé sans santé mentale

Cette phrase résonnera tout au long de la visite.

On prend donc le parcours du patient pour démarrer cette visite : les admissions.
Les admissions c’est soit l’urgence où le personnel soignant assure une prise en charge immédiate et dans certains cas hospitalise pour une durée brève des personnes en état de crise ; soit c’est avec consentement que le patient accompagné d’une personne de la famille ou d’un volontaire est admis.
On y retrouve un homme consommateur de drogue avec sa femme. Ils dialoguent avec un infirmier psychiatrique pour une évaluation de son cas. Pendant ce temps, un collègue rempli le dossier patient dans le système ‘Open clinic’.

Médecins Sans Vacances a notamment contribué à la mise en place du système de digitalisation “Open clinic”, un programme informatique reprenant toutes les informations utiles concernant le patient (admission, historique, médicament, rapport, examen…). Une avancée digitale pour le centre qui gérait méticuleusement ces dossiers manuellement.

Pacifique Birindwa, project manager :

Le référencement a apporté beaucoup d’avantages au personnel soignant qui a pu améliorer la qualité et la rapidité de prise en charge mais il a aussi permis réduire la file d’attente des patients. Et puis, cela permet de répondre rapidement à des demandes juridiques. Et c’est une sécurité aussi en cas d’incendie puisque tout est en ligne.

Le Révérend Frère Janvier BATUMIKE, nous explique qu’aucun patient n’est forcé à l’admission. Il doit toujours être évalué. Commence donc un dialogue pour comprendre la situation, la pathologie et, avec le consentement du patient le parcours débute. Selon les cas, le patient est dirigé dans la section qui est la plus adaptée. Chaque cas étant unique, le parcours varie d’une consultation à 3 jours de stabilisation, ou à un séjour de 15 jours voir de longue durée.

Les services sont bien organisés couvrant les besoins nécessaires à la santé mentale : neuropsychiatrie, psychologie, ergothérapie, centre de dépistage, laboratoire, imagerie électro encéphalogramme, pharmacie, social, hospitalisation et pastoral.

Nous visitons ensuite le centre de dépistage, le laboratoire et l’imagerie où Médecins Sans Vacances a d’ailleurs contribué à la qualité des soins avec de nombreuses formations sur les appareils (EEG, ECG, etc.) et avec un appui technique et matériel.

Ensuite nous découvrons la pharmacie coordonnée par une sœur et son assistant. C’est avec fierté que l’on nous montre l’organisation méthodique entre le dossier patient, la gestion du stock et l’administration.

Nous prenons le chemin sous les passerelles qui protègent de la pluie pour se diriger vers les patients hospitalisés. Sur le passage, nous rencontrons des hommes et des femmes, des jeunes qui y séjournent. Avec des jours cadencés entre thérapie et traitement pour se reconstruire ou du moins se stabiliser, apprendre à revivre.

Selon les cas, les patients sont libres de circuler dans le centre question de reprendre un petit à petit le fil de la vie. La prise en charge ici est globale car elle prend en compte l’accompagnement de la famille affectée.

Le rôle de la famille

Certains patients sont accompagnés par un ou plusieurs membres de leur famille ou un proche cela dépend du contexte et de leur environnement. Parfois c’est juste un bénévole. La prise en charge commence en milieu clinique mais ne se termine pas ici car il y a la réinsertion qu’elle soit sociale, économique ou communautaire, c’est la famille qui doit accompagner cette réinsertion pour qu’elle soit efficace.

C’est pourquoi il est important qu’elle accompagne dès le début, qu’elle comprenne la maladie et les conséquences pour mieux aborder la suite. « Nous avons un service social et psychologique pour les familles. Si elle n’est pas présente, nous allons la solliciter et la conscientiser. Cela permet que le patient reprenne aussi le fil de la vie en étant accompagné. » nous exprime le directeur.

Briser les croyances et sensibiliser

Au-delà du volet clinique, SOSAME se charge aussi de la sensibilisation auprès de la population pour contribuer au bien-être mental de la population et au changement des mentalités vis-à-vis des troubles mentaux, longtemps négligés et cachés derrière de fausses croyances qui laissent croire que ces maladies sont incurables.

Pacifique Birindwa, project manager de SOSAME nous explique qu’il n’y a qu’une capacité de 80 lits au centre, c’est pourquoi ils ont développé la psychiatrie sur base communautaire. Il y a des cliniques mobiles avec des équipes des médecins et infirmiers psychiatres, sociologues et des gardes malades compétents dans ce domaine. Cela nous permet d’aller à la rencontre de la population et d’expliquer que les maladies mentales ne sont pas des mauvais sorts issus de leurs croyances et que la médecine classique peut soigner ce mal.

Aussi aller à la rencontre des patients dans leur contexte, cela facilite l’intégration du patient et sa prise en charge dans son environnement. Parce qu’on travaille sur place, on peut aussi combattre la stigmatisation et accompagner les familles pour mieux comprendre la maladie mentale.

Je vais dans les camps militaires, dans les camps des déplacés, dans les communautés pour sensibiliser et pour qu’il y ait une adhésion aux soins de santé mentale. C’est un travail de fond important pour briser les croyances et ne pas ignorer les malades.

Mireille Mulowe, responsable qualité et sensibilisation

“On commence par envoyer un courrier à un camp ou une autorité, ensuite nous recevons un accord et nous sommes dirigés vers la population concernée. C’est donc un responsable qui nous donne un cadre qui nous permet de communiquer.

Sur base de thème, on discute et la population pose des questions. On parle par exemple sur l’épilepsie, ou des conséquences de la consommation de drogue ou des violences faites aux femmes. Le fait d’échanger permet de mieux comprendre, d’accepter et d’adhérer aux soins. Aussi quand quelqu’un de la communauté revient soulagé voir soigné, les gens deviennent plus confiants. C’est comme cela qu’on avance”.

Une évolution positive face à la santé mentale

Dr Serge Muname, psychiatre nous expliquent que les barrières culturelles s’abaissent petit à petit. « Les familles nous approchent et adhèrent plus à la prise en charge sans qu’on les ait rencontrés au départ. C’est leur démarche et c’est donc un aspect positif.

Le fait que des agents communautaires tels que les para-praticiens, les responsables de centre de prière ou encore les exorcistes adhèrent aux soins de santé mentale démontrent aussi une évolution positive. Certains anciens qui ont été acteurs de violence témoignent aujourd’hui de leurs gestes après avoir subis un processus de transformation et ils deviennent des personnes ressources en parlant de leur expérience. »

Les messages de sensibilisation portent leurs fruits au sein des communautés.

La contribution de Médecins Sans Vacances

Convaincu que la santé mentale est un enjeu majeur de la santé et du bien-être, Médecins Sans Vacances a contribué à SOSAME à la qualité des soins avec de nombreuses formations sur les appareils avec un appui technique et matériel, sur la prise en charge de l’agressivité, les examens psychiatriques, sur les admissions, sur les urgences. Sans compter la mise en œuvre de la digitalisation par système Open Clinic.

On en profite pour remercier tous les experts-volontaires qui ont contribué à ces réalisations. Sans eux, ceci n’aurait pas été possible.

Une reconnaissance que Le Révérend Frère Janvier BATUMIKE, directeur de SOSAME nous exprimera avec beaucoup d’émotions :

Artsen Zonder Vakantie – Médecins Sans Vacances · Les remerciements du Révérend Frère Janvier, directeur de SOSAME à Bukavu

Avec la collaboration du BBDOM, de Fracarita Belgium et l’appui de la Coopération belge (DGD)

Si vous souhaitez soutenir nos activités à SOSAME, n’hésitez pas à faire un don en cliquant ici.

Récit : Alexandra Guillot, responsable communication pour Médecins Sans Vacances

Aidez nos collègues africains à rendre accessibles les soins médicaux nécessaires.